~~Les missionnaires, aide clandestine aux chrétiens nord-coréens
~~Les missionnaires, aide clandestine aux chrétiens nord-coréens
par Romain Mielcarek
Publié sur Actu-chrétienne.net
En Corée du Nord, le culte du chef initié par Kim Il-sung impose l'adoration du chef de l'Etat comme d'un dieu
.REUTERS/Yuri Maltsev Corée du Nord Le pape François poursuit cette semaine un voyage d'envergure en Corée du Sud, à la rencontre d'une communauté de croyants de première importance en Asie. L'occasion de s'intéresser au sort des chrétiens persécutés de Corée du Nord et à la persévérance des missionnaires, qui tentent de les secourir le long de la frontière avec la Chine.
Pyongyang fut pendant longtemps surnommée la « Jérusalem d’Asie ». La Corée a en effet été une terre historique de christianisme, bien longtemps avant la venue du pape François. Dès le XVIIe siècle, cette religion s’installait dans la péninsule avec beaucoup plus de succès qu’en Chine ou au Japon. Et pour cause : les Coréens pratiquaient alors un chamanisme aux nombreuses similitudes avec le récit biblique. Monothéistes, ils croyaient en un dieu créateur dont le fils unique, Dangun, est né d’une vierge.
A différentes époques, des souverains coréens ont largement persécuté les communautés chrétiennes. Le règne dynastique de Kim Il-sung, puis de ses héritiers, restera pourtant la pire épreuve pour les croyants.
L’ONG chrétienne Open Doors estime depuis 12 ans que la Corée du Nord est le pays où les chrétiens sont le plus persécutés au monde. Sur les 200 000 à 400 000 croyants qui seraient toujours présents dans le pays, 50 000 à 70 000 seraient incarcérés, dans des conditions atroces. « Quand j’étais jeune, raconte un réfugié de 70 ans à Open Doors, les professeurs nous racontaient que les chrétiens avaient construit des bases secrètes sous les hôpitaux. Qu’ils enlevaient les gens, notamment les enfants, pour sucer leur sang et le vendre dans ces souterrains.
Les Nord-Coréens continuent d’être endoctrinés avec des histoires similaires pour penser que les chrétiens sont fondamentalement mauvais et dangereux. »
Les missionnaires en croisade pour sauver les chrétiens du Nord Toutes les traces du christianisme ont été interdites en Corée du Nord. Les 3 000 églises qu’a comptées le pays ont été détruites. Les exemplaires de la Bible sont systématiquement détruits, les rares survivants étant enterrés et méticuleusement protégés par leurs propriétaires. La moindre réunion à plus de deux ou trois personnes entraine un risque d’arrestation. La religion est, tout simplement, un tabou absolu. Surnommée la « zone sombre », la Corée du Nord apparaît plongée dans le noir toute la nuit sur les photos satellitaires.NASA
Les Nord-Coréens dans leur ensemble souffrent du régime de fer, à l’origine de nombreuses pénuries : nourriture, médicaments, liberté. La frontière avec la Chine reste l’un des principaux axes d’évasion pour ceux qui tentent de s’échapper. C’est la fuite de près de 300 000 réfugiés par ce pays, poussés par la famine, qui a permis au milieu des années 1990 de prendre conscience du sort des populations et notamment des chrétiens. Les missionnaires de Corée du Sud, les plus nombreux (environ 16 000) au monde après les Américains, sont particulièrement actifs le long de la frontière entre la Corée du Nord et la Chine. Ils aident les réfugiés à fuir le régime de Pyongyang et à rallier en sécurité le Sud. Ils distribuent des vivres, des vêtements et de l’aide humanitaire à ceux qui transitent clandestinement dans cette région. Ils récoltent de l’information sur la situation à l’intérieur du pays. Enfin, ils convertissent et transmettent aux réfugiés les valeurs du christianisme. « La plupart des réfugiés qui reçoivent de l’aide se sont convertis, explique David Hawk, un chercheur américain auteur de plusieurs rapports sur les persécutions contre les chrétiens en Corée du Nord.
Des missionnaires les ont parfois convaincus de retourner en Corée du Nord avec de la nourriture pour leur famille, et des exemplaires de la Bible pour leur entourage. Certains l’ont fait, au péril de leur vie. D’autres se sont contentés de les jeter en prétendant les avoir distribuées. »
Jésus contre Kim Jong-un
Chez Open Doors, on admet l’existence de réseaux d’informateurs et d’aide aux populations, sans pouvoir donner d’indices sur leur fonctionnement, pour des raisons de sécurité. Une réfugiée interrogée par l’ONG assure ainsi le systématisme des forces de sécurité lorsqu’elles capturent des fuyards : « Il y a deux questions auxquelles il ne faut jamais répondre oui.
La première est : avez-vous déjà été en contact avec des chrétiens ?
Et la seconde est : avez-vous lu la Bible ? »
Conscients de l’influence des missionnaires humanitaires actifs le long de la frontière, militaires et policiers nord-coréens multiplient les opérations. L’année 2013 aurait vu une recrudescence des descentes dans les familles, des patrouilles et des opérations clandestines pour intercepter les réseaux clandestins, en particulier religieux.
Des espions nord-coréens monteraient de fausses églises et se feraient passer pour des chrétiens, le long de la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, pour piéger les réfugiés. Nombreux sont les Nord-Coréens à assimiler les croix en néons qui ornent les petits bâtiments entretenus par les missionnaires comme le symbole de leur délivrance.
Les autorités pourchassent également les quelques centaines de missionnaires qui parcourent la frontière. Régulièrement, quelques-uns sont arrêtés. Dans le meilleur des cas, ils sont expulsés. C’est ce qui est arrivé à John Short, un Australien qui avait tenté d’introduire un traité chrétien dans le pays et qui a été relâché en raison de son âge avancé.
Dans le pire des cas, ils finissent en prison sans que l’on ait plus de nouvelles d’eux. C’est toujours le sort de Kenneth Bae, un missionnaire américano-coréen qui aidait des réfugiés à s'enfuir sous couvert d'une entreprise de tourisme, capturé en 2013, condamné à 15 ans de travaux forcés.
Paradoxalement, le régime nord-coréen entretien encore quelques lieux de culte dans la capitale. A Pyongyang, quatre magnifiques églises ont été construites et sont l’affichage d’une tolérance revendiquée envers les 37 000 croyants officiellement comptabilisés. Michel Vartan, le président de la branche française d’Open Doors, se souvient d’une visite organisée particulièrement étonnante : « Ce qui frappe en entrant, c’est le luxe et la qualité des installations. Il y a une chorale, habillée comme dans les églises protestantes nord-américaines. Tout est retransmis sur des écrans géants pour les fidèles assemblés pour l’occasion. » Sur les pupitres : des recueils de cantiques dont « les pages étaient collées comme s’ils étaient parfaitement neufs, comme s’ils n’avaient jamais été utilisés ».
Dieu, dernière chance des Nord-Coréens ?
Renoncer au culte divin de Kim Jong-un est si risqué que même les réfugiés peinent à envisager d'autres manières de penser.REUTERS/KCNA Si la conversion récurrente des réfugiés et l’incitation à répandre la foi chrétienne peut interpeller, on propose chez Open Doors une explication au phénomène. Les fuyards seraient tellement perturbés et conditionnés qu’il n’est tout simplement pas envisageable pour eux de vouloir penser par eux-mêmes.
La religion serait, en attendant une acclimatation au monde extérieur, un moyen de les pousser à échapper à leur condition, à leur obéissance absolue envers le leader et son culte. Les communautés religieuses, à travers le monde, mais plus spécifiquement en Corée du Sud et en Chine, sont les dernières à chercher activement à distribuer des ressources humanitaires et à dénoncer le sort des malheureux en Corée du Nord. Ces conversions sont un « passage mental extrêmement violent ».
Certains réfugiés retourneraient en Corée du Nord de leur plein gré, « pour partager leur découverte ». Bu-Heong Hyun, 27 ans, réfugié aux Etats-Unis, ne regrette en tout cas absolument rien. Après deux évasions et un séjour en prison, il a été sauvé par une communauté protestante en Chine où un missionnaire sud-coréen l'a baptisé. « Tout ce que je savais du christianisme, c’est ce qu’on en racontait à la télévision : les activités religieuses sont une mauvaise chose. » Désormais étudiant au Texas, il cherche à rendre ce qu’il a reçu en faisant ce qu’il peut, à savoir « servir à l’église tous les dimanches et prier chaque instant que Dieu fait ». Réagir 0 e-mail print inPartager0 Réagir 0 Une erreur est survenue lors de l'envoi du mail... Le mail a bien été envoyé Votre nom Votre Email Nom du destinataire Envoyer à Votre message personnel